Le poids de la neige

L’année exceptionnelle de Christian Guay-Poliquin

Certains livres mettent du temps à prendre leur envol. Publié à l’automne 2016, Le poids de la neige, deuxième roman de Christian Guay-Poliquin, fait partie de cette catégorie. Récoltant une flopée de prix littéraires, l’auteur de 35 ans a connu une année 2017 exceptionnelle, qui a culminé cet automne avec le prix du Gouverneur général. Nous avons fait le bilan des 12 derniers mois avec lui. 

Le livre 

Le poids de la neige est un roman brillant qui emprunte aux codes du récit postapocalyptique. Dans cette histoire où « rien ne se passe », dit Christian Guay-Poliquin en souriant – ce n’est pas tout à fait vrai, pourrait-on ajouter –, deux hommes sont réunis malgré eux dans une maison sans électricité, alors que dehors, la neige ne cesse de tomber.

« L’hiver est un prétexte, comme la route l’était dans mon premier roman, et comme la forêt le sera dans mon prochain. Je voulais d’abord raconter un voyage intérieur. J’ai parlé de l’hiver parce que c’était nécessaire pour faire tenir ces deux personnages ensemble, raconter l’histoire d’une relation laborieuse bâtie sur une tendresse mutuelle non avouée. »

L’ascension

Lors de la sortie du Poids de la neige il y a un an et demi, Christian Guay-Poliquin avait de l’espoir, mais « pas trop d’attentes ». « Le livre a été lancé avec plein d’enthousiasme, comme tout projet qu’on est content d’avoir terminé. Puis, il a continué sur une pente ascendante très lente jusqu’à cet automne, avec même un regain d’intérêt médiatique et critique. Avec mes éditeurs, on a été joyeusement surpris ! Nous n’aurions pas pu espérer mieux. »

Les prix

Christian Guay-Poliquin a remporté cinq prix littéraires en 2017. Du Prix des collégiens en avril, « un prix de jeunes lecteurs passionnés », au prestigieux prix du Gouverneur général en novembre, en passant par le prix Ringuet de l’Académie des arts et des lettres du Québec, le prix France-Québec et celui, moins connu, de l’Association des études internationales québécoises, il les a tous appréciés à leur juste valeur. « Je suis un universitaire, alors je respecte les institutions », dit celui qui n’a jamais aimé qu’un même livre récolte toute l’attention une même année. « J’ai beaucoup chialé là-dessus dans ma vie. Il y a plein de bons textes, il faut les célébrer ! Et là, je me retrouve dans cette situation difficilement défendable. Je le prends quand même, chaque prix est un grand honneur, mais ce n’est pas sans gêne que je les reçois tous. »

Les lecteurs

À la mi-novembre, Christian Guay-Poliquin s’est présenté au Salon du livre de Montréal avec une certaine aura de popularité. « L’an dernier, il y avait un intérêt, mais cette année, j’avais toujours une petite file à mon stand. » Ce qu’il retient de son passage au Salon ? Qu’il n’est pas capable de définir ses lecteurs. « C’est la plus belle chose qui pouvait arriver au roman : mon lectorat n’est pas concentré dans une tranche d’âge ou un type de personne. C’est un peu la mission que je m’étais donnée. Je voulais faire quelque chose avec des subtilités qui peuvent intéresser les académiques, mais aussi, ce qui est fondamental, écrire une histoire simple et groundée sur le réel. Ça donne un lectorat éclaté et pas niché. »

La Peuplade 

Le succès de Christian Guay-Poliquin est étroitement associé à celui de sa maison d’édition, La Peuplade, qui a remporté grâce à lui son premier prix du Gouverneur général. « Ils sont dans une ascension incroyable », dit l’auteur, qui salue le dynamisme et l’ambition de la boîte fondée par Simon-Philippe Turcot et Mylène Bouchard il y a 11 ans. « Quand j’avais envoyé le manuscrit de mon premier roman, Le fil des kilomètres, j’avais d’abord reçu la réponse d’une maison établie. On m’avait dit : “C’est de la littérature québécoise, alors il ne faut pas avoir trop d’attentes, on ne peut pas faire grand-chose.” Puis j’ai reçu un coup de fil de La Peuplade, qui m’a fait le même discours sur l’état de la littérature québécoise. Mais ils ont enchaîné en disant qu’ils voulaient essayer de casser des murs et de brasser la baraque. Même constat sur la réalité, deux discours. Le choix a été clair. »

La télé 

L’auteur avoue qu’il a connu une année étourdissante. Mais, ajoute-t-il, « ça reste petit, c’est juste de la littérature ». Fort de ses prix, Christian Guay-Poliquin a tout de même été invité à Tout le monde en parle l'automne dernier, ce qui est très rare pour un auteur peu connu du grand public, en compagnie de Sophie Bienvenu et David Goudreault, deux auteurs qu’il aime et respecte. « Ce qui est beau, c’est que nous faisons des types de littérature complètement différents. Dans l’ensemble, c’était une belle expérience, mais je me rends compte que je n’étais pas outillé pour vivre mon mois de novembre ! Je n’étais pas prêt mentalement. Mais on n’est jamais prêt à grand-chose dans la vie… »

La suite

Le poids de la neige sera publié en France cet hiver aux Éditions de l’Observatoire – il fait même partie des 10 finalistes du Grand Prix RTL-Lire aux côtés de Colombe Schneck et Delphine de Vigan ! Christian Guay-Poliquin voyagera d’ailleurs beaucoup de l’autre côté de l’Atlantique au début de 2018, dans le nord de l’Europe et en France, grâce à deux de ses prix québécois. Le livre est également en cours de traduction sur trois territoires. À travers tout ça, à quand un prochain roman ? « Je suis avancé en structure, en bouts de manuscrit, mais il y a deux ans minimum d’ouvrage à faire. » Pas question, donc, de battre le fer quand il est chaud. « Ça prendra le temps que ça prendra. Je veux aussi finir ma thèse de doctorat. De toute façon, en art, personne ne nous attend. Prétendre le contraire serait se conter des menteries. »

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